Compte rendu de mon expérience de motard-spectateur.
Il a plu, toute la journée, une sorte de brume froide, la route est humide, froide, glissante... Les conditions ne sont pas vraiment optimales.
J'ai choisi d'être lâche et de ne pas sortir de ma tanière avant l'épreuve de nuit.
21 h 30, heure officielle de la fermeture de la route qui constitue la spéciale de Lamure-sur-Azergues. Je m'installe de façon à assister au dernier pointage horaire, juste avant la départ de la spéciale (il y aura environ 200 m entre les deux "stands"). Les secouristes bénévoles (quatre jeunes gens) sont les premiers sur les lieux, suivis par un ambulancier, les commissaires de la spéciale et les trois bénévoles de Contrôle Horaire n°5 que je côtoierai une partie de la nuit. Je les observe s'affairer pendant une heure autour d'étranges objets :
- Un groupe électrogène pour alimenter la petite tente du CH.
- Un tapis placé devant la tente et sur lequel les concurrents devront rouler pour déclencher la pointeuse (il y a un système de transpondeurs).
- Une pendule électronique qui affiche l'heure à la seconde près.
- Une petite imprimante qui va imprimer une étiquette autocollante pour chaque concurrent une fois que celui-ci a roulé sur le tapis. L'étiquette consigne l'instant du passage, elle est destinée à être collée sur la carte de pointage du motard. (Une fiche est, dans le même temps remplie par une des trois bénévoles, consignant et confirmant ainsi les informations de l'étiquette).
- Une sorte de boîte noire qui enregistre tous les passages de transpondeurs, afin d'éviter tout litige, toute contestation.
22h30 : Les concurrents ne sont pas encore arrivés. Les bénévoles installent deux panneaux : un orange clignotant à une centaine de mètres du stand et un rouge à une dizaine de mètres du tapis. C'est là que les motards en avance sur leur horaire (ils avaient douze minutes entre les deux CH) doivent s'arrêter pour souffler et sortir leur carte de pointage.
22h45 : La nuit est tombée. Soudain une moto (enfin trois phares halogènes) émerge du brouillard et pile devant le panneau orange... Le gars béquille et se dirige à pied vers le stand... Il est perdu et a raté le CH4... Explication, demi-tour... Pour lui, le rallye du Beaujolais risque de se finir en amère déception.
Passage de la "moto zéro", les furieux ne vont pas tarder.
23h15 : Trois phares arrivent en dansant dans la nuit. (Les phares à LED installés sur l'avant des motos créent une impression totalement fantastique, on a plus l'impression d'assister à un ballet d'OVNI qui font du rase-motte qu'à une course de moto... C'est assez magique.). C'est Julien Toniutti sur sa SuperDuke, il pile lui aussi et fait demi tour, avant de revenir deux minutes plus tard (chauffage de pneus avant la spéciale ou avance sur l'horaire ? ? ). Il est le premier à passer sur le tapis devant deux autres KTM (une supermotard 690 et une Duke 690). Globalement la marque autrichienne était presque "sur-représentée" sur le rallye. Les premiers concurrents arrivent par groupes de deux ou trois et c'est le barouf des supermotards qui résonne dans un premier temps... puis arrivent les motos davantage typées route : roadsters et sportives... Quelques KTM (dont celle de Karine, de Moto et Motards) se mêlent à la procession...
Le début des arrivées se passe relativement bien, jusqu'à ce qu'une camionnette se place au milieu du cortège et fonce direction le départ de la spéciale... Quelques minutes plus tard la camionnette redescend vers nous (CH n°5)... en marche arrière... Je n'y crois pas... Il manque d'emboutir un concurrent, roule sur le tapis, manœuvre n'importe comment son fourgon, s'arrête, ouvre sa vitre, plaisante, ne semble pas du tout se rendre compte d'où il est et de ce qu'il fait... Les bénévoles lui hurlent de dégager de là, de prendre un chemin de traverse le plus vite possible, là où il est, il a le choix entre deux chemins... Le gars refuse et redescend à rebours, face aux concurrents qui arrivent... La camionnette titube, prend le virage tant bien que mal et disparaît... Nous croisons les doigts pour que le prochain motard ne se retrouve pas face à ce gugus... (Intérieurement je déplore l'absence de gendarmerie sur l'étape pour gérer ce genre de cas) Non, ça va, l'arrivée se poursuit...
Les side-cars arrivent à présent, ce sont de véritables engins spatiaux : phares à led dignes d'une boîte de nuit, baquet avec console lumineuse... La grande classe...
Il se fait tard et la majorité des concurrents sont passés... On attend les 125, et je décide de plier bagage.
Ce qu'il faut retenir de cette spéciale nocturne :
- Des bécanes préparées avec un tel soin et un tel souci pratique qu'elles en deviennent autres, quelque chose entre la moto et le jet de science fiction.
- Des concurrents au visage mâché, épuisés par ce circuit routier effectué dans des conditions vraiment difficiles et éprouvantes.
- Une spéciale vraiment super technique de jour et quasiment titanesque de nuit... Chapeau bas aux courageux concurrents...
On ressort de ce spectacle, bluffé par le courage de ces motard(e)s si particuliers... ils vivent vraiment dans un monde à part lors de cette aventure... Ça donne vraiment l'envie d'essayer, l'envie d'en être... Je pense qu'après avoir affronté un rallye routier, on est plus vraiment un motard comme les autres.
Un grand merci à Danièle, Elisabeth et Laura (les bénévoles du CH 5) pour leur travail rigoureux et leur gentillesse.