Salut la meute!
je ne sais d'où commencer, alors je vais respecter la chronologie approximative des évènements de ce riche WE auvergnat.
Au départ de Lyon, tôt vendredi matin, je suis dans un mélange de doute et de confiance. J'essaie de ne rien oublier et me décharge beaucoup sur ma team de choc pour m'aider à gérer le chargement. J'hésite à prendre les pièces de rechange en me disant que si je n'en ai pas, je roulerai moins fort mais en ayant l'assurance de ne pas me bourrer... Finalement, on prend tout: leviers, radiateur, platines...
En route pour les Volcans!
Sur place, une fois la logistique camping accomplie, nous nous penchons sur les derniers soins à prodiguer à l'enclume en vue du CT d'avant course. Nous décidons de l'habiller intégralement pour récupérer les divers suintements dans le sabot et que cela soit discret au CT...
CT ok, contrôle administratif ok, me voilà de retour au campement avec mes 3 numéros de course... sauf que je n'ai pas prévu de plaques numéro! Qu'à cela ne tienne, mes mécanos découpent proprement ma boîte de bottes (en carton épais) et me fixent le tout sans risque d'arrachement avec le vent.
On poursuit les ajustements en nous occupant des feux additionnels et diverses babioles. Mes mécanos sont à fond et moi, un peu spectateur, je peste contre l'enclume et ses farces qui m'ont empêcher d'arriver plus tôt ici, pour reconnaître le parcours.
Briefing 20h! Pfff! Il faudra attendre la fin de ce briefing et le casse croûte avant de partir reconnaître. Il est 21h30, Ben et moi partons en caisse sur une boucle "nord". La navigation est difficile pour deux novices comme nous. Je n'ai qu'un trip partiel sur la moto, il en faudrait 2 pour bien faire.
On galère un peu mais on y arrive. Il est l'heure de rentrer, il est très tard, tant pis pour la boucle "sud".
Nuit quasi blanche, debout, café, exercice physique pour se réveiller convenablement, recafé...
Départ de la première boucle, je file sur le nord. Je suis les indications de mon dérouleur de RB, tout va bien mais je me fais passer sur le routier par de nombreux concurents. Je pointe dans les temps pour le CH d'avant spéciale. Sur le départ de la spéciale, un problème d'horloge non synchronisée nous fait attendre. Les pneus se refroidissent mais les pilotes ont déjà chaud car il est midi en ce jour de canicule. Les soucis d'horloge résolus, vient le moment de me présenter sur la ligne. Je fixe l'horloge, 10", j’enclenche la première, 5" je monte les gaz au dessus de 5000trs (ma moto tousse sous 3500trs...), 3, 2, 1, GAZ!
Le début de spéciale est un déchet mais je fonce, j'arrive à la première épingle en 3 alors que je devais être en 1. Je rétrograde comme un porc sur l'angle, je jette tout à la corde que je manque lamentablement, je remets plein gaz pour les deux premiers virages qui ne sont que cassures, j'arrive trop fort dans le premier vrai virage rapide, je corrige du frein arrière, ça passe comme une merde, mais ça passe, je continue sur un rythme trop élevé, je freine mal et tard, bref, c'est sale mais ça passe comme ça jusqu'au bout. Verdict: 1'21"10 et 66ème / 148 au scratch de la spéciale ce qui me place 3ème classique. Je rentre dans les temps au village départ, sans avoir cette info. J'ai surtout l'impression d'avoir roulé comme une merde.
15 min avant le prochain départ: mes mécanos s'affairent sur la moto. Essence, huile, essuyage des barbouillages gras, nettoyage de casque... je mange un peu, je bois beaucoup, je fume une clope et je me dépêche pour pointer à l'heure au départ. 15' c'est très court dans ces moments là!
Gaz sur la boucle sud. Je suis Flo44 qui m'a gentillement attendu. Le problème c'est qu'il soude déjà fort pour moi sur des routes (ou des chemins goudronnés) dans lesquels ma vieille chasse du gravier quasi non stop. Je drifte, je glisse, mais je suis. Flo est tout en décontraction alors que je pointe juste à l'heure, déjà bien attaqué par le routier, avant même d'entrer en spéciale.
Premier passage dans la spéciale du sud, ça commence bien, je me sens bien, mes premiers viarges sont parfaits, un bout de droit, je tire à fond de trois (160 environ) je chope les freins fort et assez tôt du fait de ma pointe de vitesse: erreur! La mousse présente au centre de la chaussée (micro-route de bord de rivière d'altitude et en pleine forêt
) me fait perde l'avant, je reste droit, je guidonne à la reprise de grip, je bloque l'arrière pour essayer de remettre la moto sur sa ligne... trop tard! J'ai mangé l'herbe en faisant le tout droit et je m'éjecte volontairement pour ne pas m'exploser les burnes sur le réservoir quand la moto ira se planter dans le fossé. Cela me permet aussi d'éviter le gros sapin et de fini dans des feuillus beaucoup plus accueillants
J'ai tapé la dorsale sur une pierre, je sens que j'ai mal, mais pas pire qu'une petite chute à VTT: vive le matériel de protection!
Ma plus grosse peur est que mon enclume ne reparte pas. On tire le bouzin du fossé avec le commissaire présent sur place, mais imposssible: trop de terre bloque la roue avant au niveau des disques et du garde boue. Je nettoie tout ça à la va-vite, on remet la chiotte sur ses roues, les commandes principales sont intactes! Pourvu qu'elle démarre! Et non sans difficulté (merci la batterie neuve!), elle craque de nouveau. Je termine la spéciale au ralenti, dégoûté. Les guidons sont trodus, la roue avant sautille, les freins répondent mollement, la roue arrière glisse à gauche mais je décide de rentrer au village. J'erre sur le routier en me perdant, en m'arrêtant pour verser mes larmes et me ressaisi enfin. Je retrouve la route, coupe le moteurdans les nombreuses descentes car j'ai perdu une grosse part d'essence dans la chute et il ne me reste que le fond du fond de la réserve. Gelles est là, son camping, et ma team. J'ai la mine déconfite, le moral au plus bas, la frustration à son zénith.
Mais c'est sans compter sur Ben, Lesstath et Lolomo qui non seulement ont tout redressé et rafistolé. Ils n'ont pas le temps de refixer le dérouleur de rb qui s'est fait la malle dans la gamelle mais que j'ai ramené dans ma combarde. J'ai perdu un feu addi' dans la gamelle, mais la moto est partante. Un poil pisseuse d'huile et de LDR mais partante. Remotivé comme jamais par les potes, je retrouve du courage et m'engage sur la boucle nord en pointant avec plus de 15 min de retard au départ. J'aime bien cette boucle. Je me fais plaisir sur le routier malgré le rythme très élevé à tenir. Ma fourche claque sur les bosses et les trous, les freins sont un poil mieux mais pas top et ce pneu arrière est encore gras sur le bord gauche malgré mes gros angles pour tenter de l'essuyer.
Je pointe à temps mais la spéciale est bloquée par une chute. L'attente est interminable en plein cagnard. Deux heures plus tard, je m'élance dans la spéciale avec une seule envie: passer propre mais moins fort. Je sors de la spéciale en améliorant de deux secondes par rapport au premier passage et, avec l'abandon de Max Mettra, me voilà second classique de la spéciale sans le savoir. Je retrouve un semblant de confiance pour repartir au sud, malgré mes forts doutes à ressortir de ce parcours sur mes roues et dans les temps impartis. Je file en suivant le RB jusqu'à ce qu'un concurrent ne me rattrape. Je le suis, il se perd et moi avec! Je reprends mes instincts de navigateur et m'oriente dans la bonne direction. Le passage sous mon nez d'un autre concurrent passant pleine balle m'indique que nous avons retrouvé le RB. Quelques bornes plus loin, dans un sous bois bordé d'un pâtûrage, me voilà accompagné de plusieurs gars. Nous sommes au cul de 50 ruminants de 600kg. Pas moyen de passer. On patiente, on s'impatiente, je chauffe, je surchauffe, j'ai peur de casser... Les broutardes dans l'étable, nous bourrons plein gaz pour pointer à l'heure ce qui est impossible avec cet imprévu. Dans le second virage après avoir lâché le troupeau, je glisse à gauche de l'arrière, redresse et me gauffre à droite dans le virage qui s'enchaîne... en perdant l'avant! Celui qui me suivait et qui m'a évité de justesse m'a indiqué une perte de l'avant sur une plaque de graviers que je n'ai ni vu ni entendu.
Bref, me voilà à limer le bitume et à remplir ma botte de graviers et de pommes de pins. Un motard de la meute sauvage s'arrête gentillement et m'aide à relever le morceau. La moto a la pédale de freins en point d'interrogation, la plaque numéro a volé, ma roue n'est plus vraiment dans l'axe des guidons mais elle repart! Je pointe à la bourre. Gaz dans la spéciale de merde: rapide, glissante, remuante avec plein de cassures qui ne sont pas des virages mais bloquent la visibilité. Il faut y aller assez confiant pour rentrer fort à l'aveugle. Je ne suis pas confiant... Je fais un temps pourri qui me place loin, très loin! Mais je parviens à finir sur mes roues jusqu'à la fin de la spéciale. A l'arrivée de l'ES, les officiels me signalent de fortes fuites moteur et me demandent d'y remédier avant la nuit. Erixka s'est transformé en barbecue. Ses fumées de liquides tombant sur le collecteur me colmatent les naseaux jusu'au plus profond des sinus.
Je ne sais plus comment je rentre à Gelles, mais j'y arrive en me perdant. Grrr! j'aurais vraiment dû reconnaître cette boucle avant la course! C'était la plus piégeuse avec ses déchets qui font office de routes
Fin de l'étape de jour: je suis dégoûté, effondré et apeuré à la simple idée de repartir, de surcroît de nuit, dans cette fameuse boucle sud. J'ai la trouille, la vraie. Celle qui te paralyse, qui te dit stop, et qui s’immisce en toi jusqu'à commander la douleur. J'avais mal partout à cet instant. Des douleurs vives: genou droit, cheville droite, hanche droite, épaule droite, poignet droit, cervicales... mais j'ai compris plus tard que c'était ma tête qui avait commandé ces douleurs. En réalité je n'avais rien! J'ai somatisé!
Le retard global pris par la boucle nord suite aux diverses chutes ont écourté la pause d'avant nuit. Cela m'aura évité de gamberger de trop, même si ça bouillonne dans tous les sens en moi.
Les copains me boostent comme jamais. Je ne veux pas les décevoir, je ne veux pas les lâcher, ils se sont affairer comme des furieux sur la moto et sur les soins au pilote, je ne peux pas les planter là. Pas comme ça, pas là, pas maintenant. Je renfile mon matos, et, avec la seule ambition de finir ce rallye, je remonte sur la friteuse, en pleine nuit, mais en direction de la boucle que j'aime! Cap au nord!
Je pointe dans les temps et réalise une assez belle spéciale compte tenu des conditions extrême. Ma moto ratatouille désormais sous 5000trs, tousse quand je la penche sur son angle et glisse presque en permanence du fait des graviers, des fissures... et de mon généreux barbouillage. Ca passe quand même en 1'33 puis 1'30 au second passage soit 10 à 15 secondes de plus que de jour. Il ya moyen de faire 1000 fois mieux mais quand tu sais que la sortie de route est quasi interdite sur certains virages de cette spéciale, tu réfléchis à deux fois avant de souder avec une moto amochée
Les passages vers le sud sont de véritables épreuves à chaque fois. Je me perdrai deux fois dans le routier du sud (et oui, encore...
), j'évite xx gamelles en rattrapant à l'arrache mais me voilà enfin pour cette toute dernière spéciale. Ma moto et moi ressemblons au bal des éclopés mais je décide de gazer. J'ai été idiot. Je suis sorti de mon objectif (finir) pour souder avec une moto devenue vicieuse: fourche claquante, freins bof, roue voilée, guidons pas dans l'axe, etc. Ca passait c'était beau, sauf que c'est pas passé
Virage à gauche ça chasse du cul, je redresse et... coup de raquette! High-side
Me voilà projeté sans savoir où (nuit noire) mais je finis retenu par le barbelé du champ voisin, tel un boxeur dans les cordes. La position est presque confortable. Je pense un instant à rester là, attendre qu'on vienne me chercher. Mais étant à deux virages de l'arrivée, deux concurrents sont déjà engagés dans la spéciale. J'ai peur, je ne vois rien et je suis sur l'extérieur d'un virage piège. Je décide, faute de meilleure idée, de me blottir en contrebas, en me disant que s'il se bourre au même endroit, il me passera pas au dessus
. J'ai eu très peur au passage des deux motos. La spéciale est interrompue, on s'est mis à 5 en galérant pour sortir ma poubelle du trou. Mais on l'a sorti! Je disais aux gars: aidez-moi, je dois rentrer à Gelles! J'ai pas le droit d'abandonner. Une nouvelle fois, Erixka ou Highlander, je ne sais plus, survis ou revis, je ne sais pas non plus. J'hurle de joie dans la nuit face à des officiles médusés et sans doute inquiets de mon état psychologiques. Je termine la spéciale au pas, mais je la termine. Je demande aux commissaires d'arrivée si je peux rentrer en coupant le RB pour retrouver le village départ, quitte à manger une pénalité (je ne suis plus à ça près
). Ils me répondent OK mais cool de chez cool car la moto est devenu une sorte de truc qui roule encore mais on ne peut plus vraiment parler d'une moto
Je retrouve les copains au village avec une rescapée... mais une rescapée qui a osé finir bonne dernière là où tant d'autres auraient jeté l'éponge depuis longtemps.
Sans mes amis, sans leur soutien moral, logistique et mécanique, jamais ma chiotte et moi n'aurions pu finir. Elle comme moi étions à bout, à cran, complètement aux limites, repoussée à cette occasion.
Je retiens plusieurs choses:
Le routier c'est chaud!
Les spéciales sont choisies par des pervers qui espèrent que tu vas te bourrer pour le spectacle
La triche est institutionnalisée: entre ce qu'on te dit dans le règlement et la réalité du terrain il y a 10 mondes d'écart! Pas un ne s'arrête au stop, les lignes blanches sont décoratives, les clignos sont là que pour le CT, et les limitations de vitesse, y compris dans les villages, c'est juste vaste farce! J'aurais aimé le savoir, ce n'est pas ce que j'imaginais. Je vous passe les weelings et autres acrobaties des plus téméraires. Si j'avais été un père de famille dans ma 807, en balade avec ma petite famille, j'aurais porté plainte pour mise en danger de la vie d'autrui. Tout le monde le sait mais te dit que ça reste possible de tenir les temps si tu te perds pas en respectant le code. Moi je veux bien mais quand 60% du parcours est limité à 30 ou 50 pour cause de gravillons annoncés avec panneau de limitation, tu rattrapes comment? En passant à 90 dans les épingles? Non, en fait, tu roules justes comme un porc non stop et tu arrives pile à l'heure...
La solidarité des pilotes et officiels est belle et sincère. On m'a filé de l'eau et des clopes durant l'attente. On m'a encouragé. On m'a laissé pesté dans ma colère sans me remettre à ma juste place (qui était celle de celui qui doit fermer ma gueule).
Merci du fond du coeur à:
Ben, Lesstath, Viking, Milie, Dagda, Chuck'Tyler, Lolomo, Chris du Garage St Alexande (Peugeot Ste Foy Lès Lyon) pour leur aide tout au long du projet.
Aux organisateurs qui nous ont fait vivre une drôle d'expérience.
A Stephanie pour sa générosité et les divers prêts de matos.
A Flo et Sasso pour leurs précieux conseils et partages d'expérience.
A mes enfants qui ont cru en moi et auxquels je dédie le trophée que toute mon équipe a remporté.
En effet, lors de la remise des prix, j'étais bien planqué au fond, feignant le sourire et la bonne humeur. En réalité, j'étais dépité, frustré... mais conscient d'avoir réalisé deux trois passages de spéciales pas dégueu' (au nord seulement). Je me raccrochais aux enseignements de l'aventure, faisais un peu un bilan en silence tout en applaudissant respectueusement les primés. Là, me poussant du coude, le responsable du CT vient me taquiner et me fais un clin d'oeil. J'entends qu'on prononce mon nom au micro. "Putain la honte!" me dis-je. En fait, la team tout entière est récompensée par le trophée de la combativité. Je retrouve brièvement un vrai sourire, non feint cette fois.
De retour à Lyon, je m'apprête à retrouver une vie presque normale, après 8 mois d'une intense aventure, tant humaine que mécanique et sportive.
Merci aux LM pour leur encouragement et... je reviendrai avec un grand guidon et un moteur neuf qui ne pissera plus!
Bilan mécanique sur 600km:
+/- 60l de Sans plomb
1l d'huile
deux pédales de freins
des carénages passés à la rappe
un cale pied tordu
un demi guidon tordu
une fourche voilée
une roue avant voilée
des freins sales
une combarde rappée
un feu perdu
un feu rafistolé à la canette de coca
un embrayoire qui patine en charge dans les tours
une carburation HS
une segmentation dans les choux.
Bilan sportif:
Dernier et seul hors délais au scratch final, mais on a tenu jusqu'au bout!
Merci LM sans qui, rien de tout cela n'aurait pu exister.
A bientôt pour un défi au moins aussi débile!