Essai Ducati 1000 SS : Des secrets jalousement gardés.On croit benoîtement connaître les motos! pour en avoir possédé quelques unes, en avoir essayé d'autres, et enfin avoir interminablement échangé avec les motards sur les modèles, les marques, les expériences de chacun, je pensais savoir ce que je pouvais attendre d'une « meilleure moto » : une relation homme-machine un peu améliorée, un gain de comportement dynamique, de freinage, de tenue de route, un moteur poussant plus fort! du mieux quoi, de l'un peu mieux ou du beaucoup mieux, selon les coups de chance!
Ce que j'ignorais avant de prendre le guidon de la 1000 ss, c'est qu'une marque travaillait dans l'ombre à développer un certain nombre de procédés ultra secrets en vue de procurer à un motard lambda non pas une « meilleure moto », mais LA moto. Celle qui fait oublier 20 ans de permis d'un coup, 180 000 kilomètres au guidon d'une cinquantaine de machines possédées ou essayées, celle qui fait oublier à ce conducteur moyen qu'il n'est que moyen, celle qui arrive à lui faire croire qu'enfin, il sait piloter! :-o
EsthétiqueAvec son look datant de l'époque biodesign et sa grosse optique ovale, l'esthétique de la SS commence un tout petit peu à dater. Ses proportions générales n'ont pas l'élégance de celle des 749 et 999, le bas de carénage est un peu massif et curieusement découpé, les pots semblent un peu proéminents et fades en comparaison de la production actuelle.
Toutefois, si l'on est amoureux de belles pièces mécaniques, on aura tà´t fait de repérer certains éléments de nature à faire rêver : fourche showa allégée entièrement réglable, superbes étriers et disques 320 mm Brembo série or, jantes Marchesini, bras oscillant en aluminium et amortisseur Öhlins entièrement réglable lui aussi (précontrainte séparée), et commandes freins/embrayage de toute beauté. Bref, si je ne suis pas complètement emballé par la ligne, je suis obligé de reconnaître que tout ça sent le sérieux et qu'on est assez loin d'improbables bricolages de dernière minute qu'on trouve sur certaines japonaises!
Prise en mainBon, c'est sûr, c'est pas un bmx. Lui faire faire demi tour sur le parking à la main nécessite de remettre plusieurs fois le couvert. En même temps, la moto ne pesant que 180 kilos et le centre de gravité étant placé assez bas, c'est loin d'être périlleux en manÅ“uvre. Faut juste avoir le temps, et ne pas avoir mis le casque et les gants avant de faire sa manip les jours de grande chaleur.
Je m'assois sur le brêlon. J'avais lu qu'on avait les fesses en l'air et que les poignets seraient dans l'obligation de supporter tout le poids du pilote, il n'en est rien. Le corps se place avec le plus grand naturel sur la machine, le réservoir vous soutient au niveau des abdominaux en soulageant les avants bras, les commandes pieds et mains tombent idéalement et ça se révèle plus confortable qu'un svs ou qu'un gex.
Je fais 1,79 pour 70 kilos, et je remercie Ducati d'avoir construit la moto quasiment sur mesure pour ma morphologie. A moins que cela ne soit tout simplement bien fait sur le plan ergonomique ? :roll:
Contact et découverte du premier procédé exclusif Ducati, le Générateur d'Amour Osseux (GAO) : à la moindre pression sur le démarreur, le vlaoum est immédiat, dantesque et vous remonte directement dans la moelle épinière. Mon dieu, je suis encore au point mort que déjà mon squelette est amoureux du moteur!
J'enclenche la première avec la plus grande méfiance : j'ai lu que c'était une plaie en ville, qu'il fallait trouver le point de patinage en permanence, etc! là encore, c'est le contraire : le moteur est tellement rond, il distille sa puissance avec tant de régularité sur toute la plage que circuler en ville est une partie de plaisir : on met la première, et on roule de 0 à 80 kilomètres heure sans heurt ni brutalité.
ConduiteAh ! Un rond point ! Attention !! Il parait qu'il faut se battre avec cette moto pour la faire tourner, que ça demande une concentration pas possible, qu'il y a un mode d'emploi bien particulier !! Je coupe donc les gaz, et la moto s'immobilise quasiment sans que j'aie eu à toucher aux freins : super, ça doit pas coûter cher en plaquettes. En revanche, je découvre deux nouveaux procédés made in Ducati et conservés secrets : Le Placement Télépathique couplé au Système de Trajectoire Divinatoire Millimétrique.
Je n'ai pas eu en fait à toucher au guidon : il m'a suffit de penser à tourner pour que la moto se penche toute seule. J'enchaîne sur un deuxième rond point mais cette fois ci sans ralentir : la moto se dirige docilement à l'endroit que je regarde, elle dessine une trajectoire parfaite et se redresse à la fin de la courbe sans que j'aie rien eu à faire. Tout au plus ai-je accompagné mon regard d'une légère crispation du gros orteil placé à l'intérieur du virage! bon, bon! ça doit être quand ça va plus vite qu'il faut faire ‘achement attention alors!
Me voilà lancé sur la nationale qui relie Lyon à Villefranche. A chaque montée de gaz, le Générateur d'Amour Osseux grimpe un peu plus à l'échelle du plaisir. C'est plein, très très plein, rond à souhait, puissant et tractant avec une force herculéenne mais jamais brutale. De ce coté là , les choses sont claires au bout de quelques kilomètres : y a peut-être que 95 chevaux dans le moulin, mais c'est du disponible en permanence, de l'exploitable à 100 %. O๠que vous soyez dans la course de la manette de gaz, quelque soit le rapport, ça répond immédiatement en vous donnant l'impression que la main de dieu vous pousse (sans vous frapper) dans le dos. Sur un quatre pattes même de 140 chevaux, ça existe pas. Sur aucun bi que j'aie fréquenté ça n'existe d'ailleurs ; Ce moteur là , si vous le voulez, y a qu'une seule adresse : 1000 Supersport Ds. Ca ne claque pas à bas régime comme un 900 monstro, ça n'a pas de creux curieux vers 40000 ou 5000 tours, ça pulse tout le temps, et pas qu'un peu.
Pour me faire rire, je change quelques rapports bien que ce ne soit pas vraiment utile : la boîte elle aussi est magique, ça passe de manière hyper précise et en douceur, ça verrouille de manière très rassurante. Evidement, au rétrogradage, faut remettre un coup de gaz pour ne pas bloquer la roue arrière. Comme sur tous les bicylindres un peu musclés quoi!mais relancer ce bi est un tel plaisir que je remettrais des gaz même si ça ne servait à rien.
Comme j'accède avec une facilité stupéfiante à des vitesses qui seraient susceptibles de transformer mon permis en souvenir lointain dans un pays plus répressif (heureusement, en France on n'embête pas les gens, et Sarkozy n'est que le nom d'un troll dont on se sert pour effrayer les enfants pas sages), les pseudos lignes droites de la RN6 se transforment doucement en courbes. Puis en virages. Bon, c'est donc pas non plus à 140 que la moto est dure à placer puisqu'il me suffit de répéter ma méthode déjà expérimentée en ronds points : on regarde un point de trajectoire, la moto y va toute seule, et elle y reste rivée comme guidée dans un couloir. Allez, parce que j'ai passé mon permis et que j'y ai appris le contre-braquage, j'essaye! la moto prends de l'angle, plus d'angle, encore plus d'angle! mais ne dévie absolument pas d'un millimètre. Il doit y avoir une projection de glu sur l'avant de la roue pour que ça tienne comme ça, c'est pas possible! :roll:
A partir de 160-180, il faut descendre un peu dans la bulle car elle ne protège pas complètement. Je dirais presque : heureusement. Parce qu'avec un potentiel pareil, n'importe quel trajet pourrait se transformer en séance de piste si ce frein naturel à vos ardeurs n'existait pas!.
L'arsouille.Bon, il est temps d'en venir à ce pourquoi cette moto a été conçue : le virolo, le lacet, l'épingle, le zigzag.
Je quitte Villefranche direction Lamure/azergue via Saint Cyr le Chatoux.sur une départementale estampillée viroleuse. Je choisis le troisième rapport (par atavisme, parce que je pense que la seconde et la quatrième iraient tout aussi bien) et je commence à mettre des tours! Les virages bondissent les uns après les autres dans le panoramique de ma visière, je perds progressivement contact avec la réalité. La route est un film, je suis assis dans un simulateur et tout est possible : Le freinage est monstrueux mais d'une progressivité et d'un mordant hallucinant, les relances vous éjectent des courbes pour vous coller à la suivante, la moto ne semble jamais pouvoir se dérober, ça enchaîne, se déchaîne avec une facilité déconcertante!
J'étais pourtant parti avec les meilleures intentions du monde : cette moto n'est pas la mienne, qui plus est je ne la connais pas, je vais donc y aller mollo. Mais autant demander à un journaliste de TF1 de ne pas débiter d'à¢neries : vous aurez beau faire, vous ne pourrez pas contrefaire sa nature , pas plus que celle d'une Ducati! c'est fait pour ça, ça aime ça, alors pourquoi l'en priver ? Je poursuis par une montée éclair au lac des sapins et redescente par l'autre coté, toujours plus d'angle, freinages toujours retardés, mais jamais peur. Curieusement, mon corps se place naturellement sur la selle et le genoux sort tout seul! mes poignets sont définitivement moins malmenés que sur le svs car je suis bien calé au réservoir, et la direction ne demande aucune correction intermédiaire.
Il est vrai que sur le bosselé, la moto vit sous vous et n'épargne pas vos reins. Mais en même temps, elle reste impérialement stable, et à mon avis, hors Bmw 1200 gs et Ktm 950 Supermotard, y a pas plus stable que ce supersport, même sur le dégradé!
Retour tranquille par la vallée de l'Azergue (comprendre par là , pas plus de 180), et plein. J'ai consommé 6 litres au 100 !! Me reste deux choses à faire avant de rendre cette moto : passer réserver la mienne de toute urgence (je sais enfin ce qu'est le coup de foudre) et aller faire une dernière montée descente de Verdun qui reste un bon endroit pour confirmer une impression favorable. A la montée, mon genoux gauche tape par terre : tiens, j'ai touché! la prochaine fois, faudra que je mette un slider! et je à la descente je mets un pur boulevard à Une R6 qui pourtant m'a prise au départ comme un avion : au deuxième freinage, le pauvre était déjà tout en vrac tandis que je continuais mes expériences paranormales : « vas-y tourne ma belle!redresse-toi, freine, tourne encore »!
Un dernier mot : on dit que c'est une moto de motard expérimenté! oui, en raison de son énorme potentiel, et de sa faculté à déplacer les limites, oui certainement à cause de son fabuleux moulin et de ses freins d'anthologie qui doivent demander de l'attention sur le mouillé, mais sinon, définitivement non : il est beaucoup plus facile de conduire une machine qui vous donne à ce point confiance en vous!
:pouces: